Les familles en première ligne de la solidarité
Ce qu’en dit la Doctrine sociale de l’Eglise
On pourrait croire que la solidarité est une valeur sans consistance, loin de la « charité » que propose l’Évangile. Or le magistère de l’Église la présente comme une « vertu morale » essentielle de la vie en société, au point de la placer au rang « d’exigence morale inhérente à toutes les relations humaines », dans son Compendium de la Doctrine sociale de l’Église (§193). Plutôt qu’« un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines », le texte la définit comme « la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun […] parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ».
« En naissant de l’amour et en grandissant dans l’amour, la solidarité appartient à la famille comme donnée constitutive et structurelle », affirme encore le Compendium (§246). « Cette solidarité peut prendre le visage du service et de l’attention à l’égard de ceux qui vivent dans la pauvreté et dans l’indigence, des orphelins, des handicapés, des malades, des personnes âgées, de ceux qui sont en deuil, dans le doute, dans la solitude ou dans l’abandon; une solidarité qui s’ouvre à l’accueil, à la garde ou à l’adoption ; qui sait se faire l’interprète de toute situation de malaise auprès des institutions, afin qu’elles interviennent selon leurs finalités spécifiques. »
Selon saint Jean-Paul II, c’est en tant que « cellule première et vitale de la société » que la famille doit remplir ce rôle social. Dans Familiaris Consortio (§42), le pape polonais évoque notamment la « loi de la gratuité » qui préside aux relations entre les membres d’une famille. Celle-ci, « en respectant et en cultivant en tous et en chacun le sens de la dignité personnelle comme source unique de valeur, se transforme en accueil chaleureux, rencontre et dialogue, disponibilité généreuse, service désintéressé, profonde solidarité. » Parmi les services que peut rendre la famille à la société, il y a celui de l’hospitalité « sous toutes ses formes », qui s’exerce « en tenant simplement ouverte la porte de sa maison et, mieux encore, de son cœur aux besoins de nos frères, ou en allant jusqu’à s’engager concrètement pour assurer à chaque famille le logement dont elle a besoin comme milieu naturel qui la protège et la fait grandir. »
Les familles ne peuvent pas en rester au « petit cercle que forment les époux et leurs enfants », déclare à son tour le pape François dans Amoris Laetitia (§196), évoquant « la famille élargie », qui comprend aussi « les amis et les familles amies [..], y compris les communautés de familles qui se soutiennent mutuellement dans leurs difficultés, dans leur engagement social et dans leur foi. » Une communauté qui peut « aider à compenser les fragilités des parents, ou détecter et dénoncer à temps les situations possibles de violence ou même d’abus subies par les enfants, en leur offrant un amour sain et une protection familiale lorsque les parents ne peuvent l’assurer. »
Le billet spirituel du Père Machenaud
La famille est le lieu essentiel où l’on apprend à vivre les uns avec les autres de manière harmonieuse, entre générations, dans la diversité de nos rôles et de nos tempéraments. dans la famille, on s’éduque à l’honnêteté et au travail, à l’humilité, à l’audace et à la modestie, à la créativité et à la générosité. Ses membres sont unis par les mêmes liens d’affection.
Dès le début de l’Église primitive, l’évangélisation touche, certes, des personnes isolées, mais aussi et surtout les familles. Celles-ci deviennent des Églises domestiques. Ainsi, le couple Priscille et Aquila est complètement consacré à l’Évangile (Ac 17, 16-34). Ils accueillent les missionnaires itinérants, ils collaborent à la mission de Paul et d’Apollos. La communauté se réunit chez eux.
Ces Églises domestiques sont des espaces de retrouvailles fraternelles, de convivialité, de solidarité, mais surtout de prière et de partage. ce sont de véritables centres de diffusion de l’Évangile, avec la participation active de toutes les familles. Les Églises domestiques réalisent ainsi la mission évangélisatrice de tout chrétien par les actes et par la parole.
Dans une famille où l’Évangile est vécu, on ne peut pas laisser un frère, une sœur vivre dans la pauvreté, on ne peut pas laisser un membre de la famille qui a un handicap vivre de côté, voire même dans la rue. Saint Jean Paul II n’a jamais cessé d’affirmer que la famille était un lieu de vie, d’apprentissage où l’on apprenait à vivre ensemble et à protéger le plus fragile, le plus faible.
Le père Pierre Machenaud, prêtre et conseiller ecclésiastique de la CNAFC.