05/12/2025

Apprendre à repérer les faux billets

Comment reconnaître un vrai billet, distinguer contrefaçon et falsification, repérer les signes de sécurité en quelques gestes simples ?

Le 5 décembre 2025, la CNAFC a consacré une nouvelle matinée de formation sur le sujet de la monnaie. Au cœur du programme, un atelier très concret sur l’authentification des billets en euros. Comment reconnaître un vrai billet, distinguer contrefaçon et falsification, repérer les signes de sécurité en quelques gestes simples ? Plongée dans la première séquence de la formation, animée par Fabrice Capiez, responsable du service de lutte contre la contrefaçon de la Banque de France.

 

L’euro, une monnaie unique… circulant bien au-delà de la zone euro

Premier rappel proposé aux participants : aujourd’hui, il y a 20 pays officiellement membres de la zone euro. Mais l’euro ne s’arrête pas aux frontières de cette zone. On peut payer en euros à Monaco, au Vatican, à Saint-Marin et dans d’autres pays qui ont choisi d’utiliser l’euro sans faire partie formellement de la zone euro, ni disposer de leur propre banque centrale européenne.

Certains de ces États ne frappent ni leurs billets ni leurs pièces eux-mêmes. Ils les achètent à d’autres pays, ou confient la fabrication de leurs pièces à des ateliers comme la Monnaie de Paris. Monaco et le Vatican, par exemple, ont développé un véritable « business » de pièces de collection : séries limitées, tirages restreints, amateurs qui s’inscrivent sur liste d’attente pour avoir le droit d’acheter une pièce bien au-dessus de sa valeur faciale. Des pièces marquées « 2 € » peuvent ainsi être vendues plusieurs fois leur montant, simplement parce qu’elles sont rares, recherchées, chargées de symboles.

Dès que l’on entre dans le domaine de la collection, la rationalité économique classique se suspend : certains sont prêts à investir des sommes considérables pour un morceau de métal que d’autres ne regarderaient même pas. Ce détour par les pièces et les collectionneurs permet de rappeler une évidence : la valeur d’un billet, c’est à la fois sa valeur faciale… et la confiance que la société lui accorde.

 

Deux séries de billets, une même monnaie dans la poche

Autre surprise souvent révélée lors de ces formations : beaucoup de personnes n’ont jamais remarqué qu’il existe déjà deux séries de billets en euros.

La première série, mise en circulation le 1er janvier 2002, se reconnaît à ses thèmes architecturaux : chaque dénomination adopte un style différent, du classique au roman, du gothique à d’autres périodes, avec des couleurs distinctes. Au verso, des ponts stylisés et une carte de l’Europe symbolisent le rapprochement entre les peuples. Tous ces ponts sont fictifs, dessinés avec soin pour éviter toute récupération politique : aucun bâtiment réel, aucune architecture identifiable comme italienne, française ou autre.

Ces billets de première série ont toujours cours légal. On en trouve encore en circulation, même si nous y sommes désormais moins habitués.

À partir de 2013, une nouvelle série a commencé à apparaître : cinq, dix, vingt, puis cinquante, cent et deux cents euros ont progressivement adopté un nouveau design, plus sécurisé, plus durable. La différence la plus visible pour le grand public reste la disparition du billet de 500 €, qui n’est plus fabriqué dans cette seconde série, même s’il reste valable tant qu’il circule. Les billets abîmés, eux, sont retirés petit à petit et remplacés par des billets de plus petites dénominations, par exemple des 100 € à la place d’un 500 €.

Pour distinguer rapidement première et deuxième série, un détail aide : le « front » du billet. Sur les anciens, la ligne est plus droite ; sur les nouveaux, un arc de cercle plus arrondi. Mais beaucoup de gens ne s’en sont jamais aperçus, preuve que le changement a été voulu dans la continuité visuelle.

 

Vers une troisième série : sécurité, durabilité et appropriation

En toile de fond de l’atelier, un autre chantier se dessine : la réflexion sur une éventuelle troisième série de billets. Une consultation a récemment été organisée à l’échelle européenne, avec plusieurs thèmes proposés aux citoyens. Deux thèmes restent en lice : d’un côté, les fleuves et les oiseaux d’Europe ; de l’autre, les hommes et femmes de culture d’Europe.

Des designers travaillent déjà sur ces pistes, avec une double exigence : renforcer encore la sécurité et proposer des visuels dans lesquels les Européens puissent se reconnaître. Un accent particulier est mis sur la durabilité : vernis, supports plus robustes, réflexion sur la durée de vie des billets. On sait par exemple qu’un billet de 5 € dépasse rarement deux ans de circulation, tant il est plié, froissé, malmené dans les porte-monnaie, au contraire des grosses coupures, parfois encore en état honorable plus de vingt ans après leur émission.

 

Toucher, regarder, incliner : la méthode TRI

Au cœur de la formation de la CNAFC, il y aura une méthode simple, destinée à tous, professionnels comme particuliers : la méthode « TRI » – pour toucher, regarder, incliner.

L’idée est claire : un billet authentique n’est pas « inimitable » élément par élément. Avec du temps, du matériel et du talent, un faussaire peut réussir à imiter un détail. Ce qui est quasiment impossible à reproduire, en revanche, c’est l’ensemble : la cohérence de tous les signes de sécurité combinés. La force du billet, c’est la multiplicité de ses protections.

On ne demande donc à personne de devenir expert en toutes les techniques d’impression. On propose plutôt d’adopter un réflexe de base : choisir au moins trois signes, un pour chaque geste de la méthode TRI, et les vérifier systématiquement dans la vie courante. Rien qu’avec cela, on écarte déjà l’immense majorité des contrefaçons. Et lorsqu’un doute persiste, on peut passer en revue tous les signes, un par un : à ce niveau-là, aucune contrefaçon ne passe.

 

Toucher : le coton, le relief, la différence avec le papier ordinaire

Premier geste : toucher. Un billet en euro n’est pas fait du même papier que celui d’un cahier d’écolier. Il est fabriqué à base de coton, ce qui lui donne une texture particulière, à la fois souple et résistante. Il supporte des milliers de pliages sans casser, là où une feuille standard se fracture rapidement.

Au toucher, plusieurs indices se cumulent. La texture générale, d’abord, plus « sèche », plus sonore lorsque l’on froisse légèrement le billet. Les professionnels de caisse reconnaissent souvent un billet suspect rien qu’en le tenant en main : quelque chose « cloche », la matière n’est pas la bonne.

Viennent ensuite les encres en relief. Sur les bords du billet, des barres en oblique peuvent se sentir du bout des doigts. Leur motif varie selon la dénomination et aide notamment les personnes malvoyantes à différencier les montants. D’autres parties du billet, comme la grande valeur faciale ou certains motifs architecturaux, sont également imprimées en relief.

Les personnes malvoyantes développent d’ailleurs leurs propres techniques : certaines utilisent la longueur du billet – chaque coupure ayant une taille différente – en le calant à la base des doigts pour repérer où il s’arrête. D’autres se fient plus au relief. Il n’y a pas une seule méthode, mais une combinaison d’astuces adaptées à chacun.

 

Regarder : filigrane, fil de sécurité et fenêtre portrait

Deuxième geste : regarder. Il s’agit cette fois de mettre le billet à la lumière, en transparence.

On découvre alors le filigrane, véritable signature de la deuxième série, appelée « série Europe ». Dans la zone claire du billet apparaît le portrait de la princesse Europe, figure mythologique qui a donné son nom au continent. On distingue son visage, ses cheveux, un collier de perles, ainsi que la valeur du billet.

Le jeu de lumière est subtil : en transparence, on verra par exemple des cheveux sombres et des perles claires ; posé sur un fond sombre, l’effet s’inverse, les cheveux paraissent blancs, les perles noires, la dénomination change de contraste. Ce basculement est propre au vrai filigrane, directement intégré au papier, et non imprimé.

Toujours par transparence, on repère le fil de sécurité. C’est une bande sombre qui traverse le billet de haut en bas, à l’intérieur même du papier. En regard direct, elle est presque invisible ; en la mettant face à la lumière, elle apparaît nettement, avec du texte très fin à l’intérieur. Sur la première série, on pouvait y lire la valeur en toutes lettres ; sur la deuxième, le symbole de l’euro et le chiffre correspondant.

À partir du billet de 20 €, un autre signe s’ajoute : la « fenêtre portrait », découpée dans la bande holographique à droite. En mettant ce trou devant la lumière, on voit à nouveau le portrait d’Europe, visible à la fois depuis le recto et le verso. Plus la valeur du billet augmente, plus des éléments de ce type s’ajoutent : la grille de sécurité est la même, mais renforcée à chaque niveau.

 

Incliner : hologrammes, reflets et nombre émeraude

Troisième geste : incliner. Il suffit de faire bouger légèrement le billet de haut en bas ou de gauche à droite pour voir apparaître de nouveaux effets.

Sur la bande holographique, à droite, différentes zones réagissent à la lumière. Sur certains billets, en inclinant, la valeur faciale et le symbole de l’euro alternent, comme si l’un remplaçait l’autre. Ces effets sont obtenus par des procédés très complexes, en salle blanche, avec des dépôts métalliques (par exemple une fine couche d’aluminium) travaillés à une échelle microscopique. C’est ce qui rend l’imitation extrêmement difficile.

À partir de 20 €, la fameuse fenêtre, déjà visible par transparence, révèle d’autres secrets lorsqu’on regarde le billet par réflexion, posé sur un fond sombre. On y voit la valeur du billet entourée de cercles concentriques qui semblent se dilater quand on incline le billet. Au verso, cette même fenêtre laisse apparaître une sorte de motif « papier peint » composé de petites valeurs multicolores. Dans un seul trou, trois messages cohabitent : le portrait en transparence, la valeur en cercles devant, le motif décoratif derrière.

Les billets de 100 € et au-delà ajoutent encore un signe : un hologramme dit « satellite ». Tout en haut de la bande, deux petits symboles de l’euro semblent tourner autour de la valeur quand on incline le billet, surtout sous une lumière ponctuelle, comme celle d’une lampe de téléphone.

Enfin, un élément est commun à tous les billets de la deuxième série : le « nombre émeraude ». En bas à gauche du recto, la valeur du billet apparaît dans une encre spéciale. Quand on incline le billet de haut en bas, une barre lumineuse se déplace le long du chiffre. En l’observant rasante, on voit la couleur passer du vert au bleu. C’est l’un des signes les plus pratiques à vérifier dans la vie quotidienne : un simple mouvement du poignet suffit.

 

Falsifié ou contrefait ? Une nuance capitale

L’atelier insistera aussi sur le vocabulaire, souvent mal employé dans les médias. On confond fréquemment « falsifié » et « contrefait ».

Un document falsifié est un document authentique que l’on a rendu faux. Par exemple, un chèque de 100 transformé en 1 000. Pour un billet, ce serait l’idée de prendre un vrai 50 €, d’y rajouter un zéro et de prétendre qu’il s’agit d’un 500 €. Or ce type de manipulation est rendu impossible par la différence de couleurs, de motifs, de dimensions entre les coupes.

Un billet contrefait, au contraire, part de zéro. C’est une imitation complète, dessinée, imprimée, conçue pour ressembler à un vrai billet. Même si l’auteur y met un grand talent, il lui manque toujours quelque chose : la bonne texture, le bon filigrane, l’hologramme correct, le nombre émeraude qui bouge comme il faut, etc. D’où l’importance de cumuler plusieurs signes pour déceler la supercherie.

 

Numéro de série, faux billets et responsabilité de chacun

Tous les billets authentiques ont un numéro de série unique. Si un jour vous vous retrouviez avec deux billets portant exactement le même numéro, c’est qu’au moins un des deux est faux. Ce numéro permet aux imprimeurs de tracer chaque billet, de la grande feuille de fabrication jusqu’au billet final, y compris ceux qui sont détruits parce qu’ils présentent des défauts.

Ce numéro, toutefois, n’est pas un signe de sécurité fonctionnel pour le grand public, mais plutôt un outil interne. Un détail amusant est parfois cité aux participants : un numéro de série de billet ne se termine jamais par zéro. En voir un finir par 0 est donc un indice certain d’irrégularité.

Reste la question pratique : que faire si l’on soupçonne un billet d’être faux ? On peut porter plainte. Les commerçants, eux, disposent généralement d’assurances. Mais il existe une règle dure : le faux billet n’est jamais remboursé. Celui qui l’a accepté en dernier ressort en supporte la perte, puisque c’est lui qui a donné sa confiance à ce morceau de papier.

Un commerçant n’a pas le droit de confisquer un billet. En revanche, il peut parfaitement le refuser. En cas de billet déchiré, taché ou très abîmé, la réponse la plus prudente reste : « Vu l’état, je ne suis pas capable de dire s’il est vrai ou faux. Je n’en veux pas, donnez-m’en un autre. » Un billet authentique mais trop abîmé peut ensuite être échangé auprès des services compétents.

 

Pourquoi les stylos détecteurs ne suffisent pas

Au cours de la formation, un autre réflexe sera déconstruit : celui du « stylo détecteur » que l’on voit parfois à côté des caisses. Ces stylos ne contrôlent en réalité aucun des signes de sécurité des billets en euros. Ils réagissent simplement avec certains types de papier utilisés pour des contrefaçons très basiques.

Résultat : ils peuvent convaincre à tort qu’un billet est bon alors qu’il est faux, ou alerter sur un billet authentique. L’objectif de la conception d’un billet est précisément qu’il soit « autosuffisant », c’est-à-dire qu’il puisse être authentifié sans appareil externe, simplement avec les sens et la méthode TRI.

 

 

 

Informations supplémentaires : Formation en ligne, sur le nouveau site de e-learning en collaboration avec la Banque du Portugal

  • Destiné aux professionnels, mais également ouvert au public.
  • Curriculum revu et harmonisé sur tout l’Eurosystème.
  • Avec évaluation des connaissances acquises et délivrance d’un certificat valable 2 ans.

 

 

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