L’écologie de l’homme pour les familles
Qu’est-ce que l’écologie de l’homme ?
Le courant écologique est né en Allemagne à la fin du 19ème où ce terme d’ « écologie » a été fabriqué. Il vient d’Oïkos (maison) et Logos (science), c’est donc la « science de la maison ». On retrouve le terme du Pape François qui nous parle de « Maison commune » dans son encyclique. Le sous-titre : « Sur la sauvegarde de la maison commune ».
On parle en général d’écologie humaine, en particulier suite au lancement de ce courant par Tugdual Derville et Pierre-Yves Gomez. Les AFC, elles, ont l’habitude de parler d’écologie de l’homme pour une question… simplement sémantique ! Nous voulons signifier que ce n’est pas l’écologie qui est humaine mais que l’écologie s’applique à l’homme. Il s’agit d’une écologie pour l’homme, pour prendre soin de l’homme.
De quoi parlons-nous ?
Quand nous parlons d’écologie de l’homme, nous parlons à la fois d’anthropologie (qu’est-ce que l’homme ? quelle est sa destinée ? Quel est le sens de sa vie ? Qu’est-ce que l’Homme, homme et femme ? Qu’est-ce qui les lie ? Quel est le sens de la procréation ?….) mais aussi de morale (l’ensemble des règles qui font qu’une action humaine est juste…)
Mais… écoutons ce que nous dit le Pape François dans Laudato si ’ : « Les réflexions théologiques ou philosophiques sur la situation de l’humanité et du monde, peuvent apparaitre un message répétitif et abstrait, si elles ne se présentent pas de nouveau à partir d’une confrontation avec le contexte actuel, en ce qu’il a d’inédit pour l’histoire de l’humanité. » (17)
Changer ses habitudes
Peut-être y a-t-il là une critique discrète du discours chrétien dans le monde actuel et sans doute un éclairage sur la marque originale de notre Pape.
Plus loin, il dit aussi et à deux reprises : « La réalité est supérieure à l’idée » (201), en citant la joie de l’Evangile.
Peut-être avons-nous eu un peu trop tendance à ressasser en étant auto-référents à notre pensée et en ne voyant pas que notre monde bouge et que peu à peu nous nous éloignons de ses préoccupations réelles. La voix des chrétiens n’est plus audible, voire est un repoussoir, si elle se réfère à sa pensée seule sur le mode « nous l’avons toujours dit ».
On nous reproche régulièrement aux AFC de ne pas suffisamment brandir notre bannière, mais quelle audience pourrions-nous avoir si nous allions voir Laurence Rossignol en justifiant notre opposition à la facilitation du divorce, par exemple, par l’Enseignement de l’Eglise ?
Nous devons donc faire l’effort de nous ancrer dans la réalité telle qu’elle se présente, de la connaitre et même de l’aimer. Le Pape François nous dit : « Le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange. » Nous sommes invités à aimer profondément ce monde et aussi à apprendre à nos enfants à l’aimer.
S’ancrer dans la réalité
La réalité regardée sans ciller ne devrait pas faire de nous des Misanthropes ou un camp retranché gaulois qui « résiste encore et toujours à l’envahisseur » tout en ayant une conscience aigüe de sa supériorité. La réalité nous permet de rejoindre le monde, de le comprendre, de dialoguer et de nous en sentir co-responsables. C’est sans doute là que réside une nouvelle approche politique, non surplombante ou distanciée.
Parler d’écologie de l’homme, appelle à prendre soin de l’Homme tel qu’il est aujourd’hui, dans le contexte actuel et non dans un monde rêvé qui servirait de refuge facile, un Eden du passé qui n’a sans doute jamais existé. L’Histoire ne s’écoule jamais que dans un sens et notre riche culture chrétienne doit nous servir à inventer les solutions pour aujourd’hui.
Donc : regarder le donné, le réel tel qu’il se présente, observer et comprendre. Revenir au corps, à la nature. Admirer et rendre grâce. Inventer du tout neuf pour aujourd’hui et demain. Nous allons travailler dans ce sens pendant ces deux jours.
Quelle est notre boussole, aux AFC ?
La “DSE”
Nous nous enracinons dans l’enseignement social de l’Eglise, la « DSE ».
Il s’agit d’une riche compilation du Magistère de notre Eglise. Si la Révélation s’arrête avec la mort du dernier apôtre, le Magistère de l’Eglise, lui, ne cesse de s’approfondir, c’est-à-dire de tirer toujours du neuf de l’Ecriture et de la Tradition.
La DSE est l’ensemble des enseignements de l’Eglise, « experte en humanité », qui ont trait à l’organisation sociale. Elle s’adresse prioritairement aux laïcs à qui incombe cet engagement dans la cité. Pour nous, c’est notre boussole qui nous évite… de réinventer l’eau tiède… en moins bien chaque fois qu’une nouvelle question se pose.
Un certain nombre de principes de la DSE nous sont bien connus : le Bien Commun, la subsidiarité, la destination universelle des biens, la famille, cellule vitale de la société, les parents, premiers et principaux éducateurs etc… Le Compendium fait plus de 500 pages et est d’une grande richesse à découvrir ou redécouvrir. Il y manque néanmoins la dernière encyclique qui est résolument une encyclique à caractère social. Le Pape François le dit dès les premières lignes : « Cette lettre encyclique s’ajoute au Magistère de l’Eglise ».
Tout est lié
Son approche n’est pas de parler de morale sous couvert d’écologie. Il en parle tout au long de la Création. Néanmoins il n’élude pas la question de l’Homme et de l’écologie de l’Homme. L’Homme n’est pas à part ou une catégorie de l’écologie ou même au-dessus. Il montre tout au long que « tout est lié ». Il le répète même à de nombreuses reprises :
Il cite Benoit XVI et montre le lien entre les réalités environnementales et humaines : « Le livre de la nature est unique et indivisible » et inclut entre autres, l’environnement, la vie, la sexualité, la famille et les relations sociales. « Environnement social et naturel ont leurs blessures qui sont dues au même mal, l’idée qu’il n’existe pas de vérités indiscutables qui guident nos vies et donc que la liberté humaine n’a pas de limites. » (Introduction)
Plus loin : « Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées. » (56)
Mais aussi : « Quand on ne reconnaît pas, dans la réalité même, la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne vivant une situation de handicap – pour prendre seulement quelques exemples – on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même. Tout est lié. » (117)
Et encore : « Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement . » (120)
Que dit François dans Laudato si’ ?
Son propos
Le troisième chapitre est consacré à « La racine humaine de la crise écologique ». Le Pape y dénonce la « globalisation du paradigme technocratique »
Il l’explique : Jusqu’à présent, il s’agissait de recevoir ce que donnait la nature comme en tendant la main, mais à présent la main de l’homme s’impose à la Création pour en « presser » les biens au-delà des limites. (106)
Cela s’applique exactement à la bioéthique où l’homme devrait à présent s’imposer spontanément des limites à ce qu’il est capable de faire. Je ne dois pas faire tout ce que je peux faire. Ce paradigme s’étend aussi à la culture, à l’économie et à la politique.
Des nouveautés
Que dit-il de nouveau par rapport aux enseignements des papes précédents ?
Il dit trois choses :
- L’angle d’approche est celui de la réalité comme nous l’avons vu. Il ne part pas de l’Ecriture et de la révélation mais du donné observable. Cela rend son discours universel, adressé à tous (Ségolène Royal, Nicolas Hulot….). Par exemple, la DSE part de l’eau « don de Dieu » et doit pour cette raison être partagée. Il part de l’eau potable indispensable à la vie et dont les plus pauvres sont privés.
- Il relie très fortement approche écologique et approche sociale pour relier « la clameur de la terre et la clameur des pauvres »
- Il n’appelle pas à ce que tous puissent intégrer le modèle actuel mais il appelle à un changement de modèle de développement.
En effet, pour répondre, le Pape appelle à une « conversion écologique », à une « écologie intégrale » il propose de vivre selon un modèle « d’heureuse sobriété » par rapport à la société de consommation. Une petite phrase (194) dit toute son intention : « Il s’agit simplement de redéfinir le progrès ». Il appelle à une décroissance dans certaines parties du monde. « Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, et en même temps les capacités que le Créateur nous a octroyées, cela nous permet d’en finir aujourd’hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite. Un monde fragile, avec un être humain à qui Dieu en confie le soin, interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir. » (78)