Réforme des retraites : les mères de famille sacrifiées ?
On ne connait pas encore le texte du projet de loi qui sera présenté au parlement sur la réforme des retraites mais certaines des propositions relatives aux droits familiaux contenues dans le rapport rédigé par M. Delevoye, haut-commissaire, puis ministre jusqu’à récemment en charge de cette réforme peuvent inquiéter.
4 mesures
Par droits familiaux, qui bénéficient pour 70 % aux femmes, on entend quatre séries de dispositifs.
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- La majoration de durée d’assurance (MDA) qui consiste à accorder 8 trimestres, soit 2 ans, de durée d’assurance par enfant élevé et cela dès le premier enfant. Elle bénéficie essentiellement aux femmes. Dans 65 % des cas elle permet d’améliorer la pension de retraite des femmes ou, dans 20 % des cas, leur permet d’avancer l’âge de départ en retraite
- La majoration de 10 % de la pension de retraite des deux parents pour les familles ayant élevé au moins 3 enfants.
- L’assurance vieillesse du parent au foyer (APVF) qui bénéficie, sous conditions de ressources, aux mères qui ont interrompu ou réduit leur activité. Parmi les bénéficiaires 27 % sont des mères aux revenus très modestes. Le projet Delevoye réduit la base de calcul de l’assurance qui ne serait plus que de 60 % du SMIC au lieu d’un SMIC complet.
- La réversion sur le conjoint survivant de la pension de retraite du conjoint décédé selon un pourcentage variant selon les régimes (50 % dans le secteur public, environ 60 % pour les salariés du secteur privé). Elle bénéficie pour 90 % aux femmes.
Or le projet de M. Delevoye prévoit de fusionner la MDA et la majoration de pension de retraite et de les remplacer toutes deux par une majoration uniforme de 5 % par enfant (qui serait portée à 7 % à compter du troisième enfant.)
Les conséquences
Cela aurait deux conséquences :
Tout d’abord la majoration de 5 % de la pension de retraite ne compense pas la suppression de la MDA.
Ensuite cette majoration (de 5 % pour un enfant, 10 % pour deux enfants et 17 % pour trois enfants) ne porterait au choix que sur une seule des pensions de retraite du couple, ou serait partagée par moitié entre les conjoints, ce choix devant être effectué avant le 4ème anniversaire de l’enfant comme si les couples pouvaient savoir longtemps à l’avance quel sera l’avenir professionnel de chacun d’eux !
Enfin pour les familles de 3 enfants, dans certains cas, une majoration de 17 % de l’une seulement des pensions de retraite du couple ou le partage entre les conjoints (soit 8,5 % chacun) peut se révéler moins intéressant que les deux majorations actuelles de 10 % des pensions de chacun des deux conjoints. Ce sont les familles nombreuses qui peuvent ainsi être pénalisées.
Quant à la réversion de la pension de retraite du conjoint décédé son taux serait de 70 % du total des pensions perçues par le couple avant le décès. Un tel taux paraît a priori plus intéressant que le taux actuel de réversion de 50 % ou de 60 % mais cela doit être nuancé.
En effet pour des couples dont les montants de pension sont proches, et tout particulièrement pour les retraités modestes, le nouveau système serait moins intéressant que le système actuel dans lequel le conjoint survivant conserve sa propre pension et perçoit 50 ou 60 % de celle de son conjoint décédé.
Enfin alors que la pension de réversion est actuellement servie à la date à laquelle le conjoint décédé a, ou aurait, atteint l’âge de 55 ans, cette date serait repoussée à l’âge de 62 ans ce qui risque de mettre en difficultés financières des veuves dont l’époux est décédé précocement.
Quant aux conjoints divorcés, alors qu’actuellement la pension de réversion du conjoint décédé est, en cas de remariage de celui-ci, versée au conjoint survivant au prorata de la durée de vie commune, ce ne serait plus le cas. Au moment du divorce, il serait versé une prestation compensatoire fixée par le juge pour solde de tout compte. On imagine l’encombrement des tribunaux et les délais de versement de cette prestation !
A la rencontre des élus
Les AFC se sont mobilisées sur cette réforme. Par l’intermédiaire de l’UNAF d’abord, par un communiqué de presse et aussi en rencontrant des parlementaires dont certains sont déjà intervenus à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement. Elles continueront ces actions de sensibilisation et proposeront des amendements au projet de loi lorsque celui-ci sera connu.
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