Succession : comment l’évoquer en famille ?
Le sujet de l’héritage soulève tellement de questions profondes qu’il n’est pas toujours simple à aborder en famille. Comment communiquer paisiblement ? Voici quelques témoignages.
« J’ai connu plusieurs histoires d’héritages douloureux dans mon entourage proche, alors j’ai vraiment envie de tout faire pour que cela se passe bien entre mes enfants », témoigne Marie*, 60 ans, mère de famille du centre de la France. Depuis quelques temps, après des discussions avec son mari sur la bonne manière de faire, elle a donc entrepris peu à peu de libérer la parole à ce sujet dans sa propre famille, en misant sur une communication claire et délicate, et sur l’anticipation : « Nous avons profité d’un moment où nous étions tous réunis pour évoquer un premier petit partage » concernant des bijoux de famille. La réaction des enfants, et notamment celle des filles, les a surpris ! Ce qui a permis au couple de réajuster certaines choses. « Le sujet est compliqué : nous tâtonnons, et je ne suis pas sûre que nous y arriverons. Mais nous mettons tous nos efforts à préserver la paix et la justice ». « À force de réflexion sur ce sujet brûlant, j’ai compris peu à peu que les histoires d’héritage sont rarement des problèmes d’argent. En fait, la part qui lui revient représente pour chaque enfant la part d’amour à laquelle il pense avoir droit ».
Reste que la communication n’est pas toujours aisée à mettre en place, témoigne Marc*, 65 ans, qui a proposé à ses six enfants une donation-partage d’une maison de famille leur permettant un abattement sur les frais de succession. N’ayant pas eu toutes les réponses, il a différé ce projet. Depuis, il observe l’attachement des uns et des autres à cette maison et se demande si certains s’y projettent pour l’avenir, mais ne lance jamais le sujet explicitement : « Je craindrais que cela ne modifie leurs rapports avec nous ».
À 91 ans, Michel, lui, a une longue expérience des partages. Il a transmis sa propriété en indivision à ses quatre enfants il y a vingt ans, il observe depuis un savant mélange de juste distance et de responsabilité de père de famille : « Ils ont aujourd’hui entre quarante et cinquante ans, et ils ont des caractères et des goûts très différents. » Alors la gestion de cette propriété en indivision est l’occasion, leur dit Michel, de faire entre eux l’expérience de l’unité. Lors des discussions sur les persiennes, les problèmes de chauffage ou les services rendus par chacun, Michel tâche d’être à l’écoute de tous, de ne pas critiquer et de valoriser les uns et les autres dans leur complémentarité.
Ce fidèle des Focolari est très attaché à l’unité, qui tient une grande place dans la spiritualité de ce mouvement fondé par Chiara Lubich : « C’est nous qui la forgeons. L’unité commence par les petites choses et demande confiance et charité. C’est toujours un combat, et elle n’est jamais acquise », témoigne-t-il. Mais elle est pour lui le secret de la réussite d’un héritage en indivision. D’ailleurs, à l’occasion, il redit à ses enfants : « le matériel divise, seul le spirituel peut unir ».
* Le prénom a été modifié