Vivre la charité en famille
Une famille décide d’habiter auprès des pauvres, une autre les accueille, une autre encore apprend à vivre ensemble pour réaliser une œuvre artistique, une religieuse prie pour sa famille : autant d’actes posés au quotidien qui nécessitent de s’oublier un peu. Les témoignages qui suivent montrent que la charité peut être vécue simplement ou de manière exceptionnelle.
Béatrice et Loïc Luisetto
Béatrice et Loïc Luisetto, parents de quatre enfants, ont été responsables d’une maison de l’association Lazare* à Nantes.
« C’est à travers notre famille que l’amour s’est donné »
*L’association Lazare anime et développe des colocations solidaires entre jeunes actifs et personnes qui étaient sans-abri. Loïc Luisetto en est aujourd’hui le délégué général.
Nous n’avions jamais vécu avec des personnes de la rue. Cette expérience de la charité s’est faite très simplement, très naturellement. Au sein de la maison, nous vivions dans un appartement à part. Mais nous avions des temps en commun, le soir et le matin, ainsi que les temps de prière. Il nous a surtout été demandé d’être nous-mêmes, c’est-à-dire de vivre en couple et en famille. On s’est très vite aperçu que ce simple témoignage faisait beaucoup de bien aux 17 colocataires de la maison qui avaient connu la rue. La plupart avaient vécu des brisures dans leur vie de famille. Et c’était souvent la raison de leur chute. Notre présence leur redonnait la dignité qu’ils avaient perdue. Au-delà de nos petites personnes, c’est le modèle familial qui a été important dans cette mission. C’est à travers notre famille que l’amour s’est donné.
Il n’y a pas eu de résistance de la part des enfants. Ils restaient notre priorité. Ils n’avaient connu que ça depuis notre première mission au Brésil. Ils se sont habitués à cette vie auprès des plus démunis. Ils ont appris à voir en chaque personne quelqu’un d’exceptionnel, sans préjugés. Nous sentons qu’ils ont une attention plus particulière aux personnes fragiles, ils ont plus d’empathie à l’égard de l’ami d’école ou du cousin plus à l’écart. Ils abordent régulièrement ces sujets et confient ces personnes lors de la prière en famille.
Laetitia Guitton, le P. Étienne Grenet et Marie Zeller
Laetitia Guitton, le P. Étienne Grenet et Marie Zeller, trois frère et sœurs, sont témoins de la charité de leurs parents durant leur enfance.
« Une attention à toutes les formes de pauvreté »
Nous gardons de nombreux souvenirs de l’accueil que nos parents réservaient aux pauvres. Notre père et notre mère ouvraient aussi la porte à des personnes malades, seules ou abandonnées. Elles pouvaient être sans domicile fixe, certaines sortaient de prison, d’autres encore de l’hôpital psychiatrique. Elles passaient pour un café, lors de déjeuners, parfois pour le réveillon de Noël. La porte n’était jamais fermée, même si nos parents conservaient toujours de larges temps pour la vie de famille. C’est l’Église qui nous les envoyait, par l’intermédiaire de la paroisse ou des mouvements d’Église comme les Foccolari ou la communauté Saint-Jean. Nos parents passaient par le tissu ecclésial où se vit particulièrement la charité.
Pour nos parents, accueillir les pauvres était une évidence. Pour nous, un peu moins. Quand nous étions enfants, ces personnalités « borderline » nous faisaient peur. Ça nous dérangeait, mais au moins nous sortions de notre confort. Ce n’est pas simple de sortir de soi pour accueillir une personne démunie, surtout le jour de Noël. Un sentiment de pitié pouvait émerger, car nous rencontrions des gens très fragiles. Mais, après du temps passé ensemble, nous étions dans la joie.
Sr Marie-Tarcisius
Sr Marie-Tarcisius, religieuse apostolique de la communauté
Saint-Jean à Brest
« En donnant ma vie au Seigneur, je voudrais être aussi un pont pour ma propre famille »
J’ai quatre frères et sœurs. Depuis 25 ans que je suis religieuse, j’exerce la charité auprès des membres de ma famille simplement : en prenant de leurs nouvelles, en m’intéressant à ce qu’ils vivent, en me réjouissant avec eux des bonnes nouvelles et en les soutenant dans les périodes plus dures.
La plupart du temps, je prie pour eux. Je les soutiens dans les épreuves de la vie. Deux décès ont marqué notre famille : mon père est mort d’un cancer foudroyant à l’âge de 62 ans, et l’un de mes beaux-frères s’est battu contre le cancer pendant dix ans. Je leur témoigne que Dieu reste près d’eux dans les moments difficiles.
Mes parents étaient très croyants. Mais certains membres de ma famille se sont éloignés de la foi, notamment parmi mes 13 neveux. Prier pour eux revêt alors une importance particulière. La prière permet de présenter à Dieu ceux qui sont dans mon coeur. Je prie particulièrement pour eux lors du chapelet, car la vie de Jésus que nous méditons dans les mystères rappelle la vie de famille.
Nous nous réunissons au moins une fois l’an, à l’occasion d’une grande fête. Même s’ils ne sont pas tous croyants, nous vivons des moments spirituels. Le fait que je sois religieuse les motive. Nous disons le bénédicité, nous assistons à la messe dominicale, nous prions Marie et nous nous recueillons au cimetière. La prière pour les défunts nous rassemble.
En donnant ma vie au Seigneur, je voudrais être aussi un pont pour ma propre famille. Ce n’est pas facile de dire quelque chose à ses proches, mais je peux le dire à Dieu et je demande à Dieu de leur envoyer un autre instrument.
Blanche Lefèvre
Blanche, 21 ans, cadette de la famille Lefèvre*, lauréate de l’émission télévisée La France a un incroyable talent** 2020
« Nous avons appris à mieux nous écouter »
* Anne et Gabriel Lefèvre et leurs enfants, Gaël (22 ans), Blanche (21 ans), Clément (17 ans), Emmanuel (15 ans), Colombe (12 ans), Raphaël (8 ans).
** La famille Lefèvre a gagné l’édition 2020 de La France a un incroyable talent, reality show diffusé sur M6, en interprétant des chants a capella.
La charité, ce n’est pas simplement faire plaisir à quelqu’un. La charité, c’est aussi des actes et des attitudes que nous accomplissons avec l’intention de faire du bien à l’autre, sans pour autant que ce soit mauvais pour nous.
Les disputes fraternelles ont toujours été là. Il y a des conflits, mais nous faisons toujours en sorte que ça se finisse bien. Notre famille peut donner le sentiment d’être parfaite sur les écrans, mais rassurez-vous, nous restons sur ce point une famille normale. Ce n’est pas toujours facile. Nous sommes cependant toujours animés par le désir de trouver une solution.
Avec mon frère Gaël, on peut être tenté de faire des remarques aux derniers. Ces formes de correction fraternelle n’ont pas commencé avec le début de notre chorale familiale. Parfois, les parents nous expliquent alors que ce n’est pas forcément à nous de le faire.
Quand nous sommes en répétition, chacun donne ses idées. Chacun doit parler à son tour, pas tous en même temps, pour que chacun puisse donner sa vision musicale. Nous avons appris à mieux nous écouter.
Cela apprend beaucoup la patience. Parfois, je vais avoir une idée différente de celle de l’autre et il va falloir que je la laisse de côté ou que je laisse l’autre s’exprimer. Nous devons écouter l’autre, accepter son point de vue ou trouver un terrain d’entente commun.
Nous avons eu la joie de vivre cette aventure ensemble. Cela nous a rapprochés. Dans le quotidien de la famille, chacun mène sa vie. Mais nous avons vécu tous ensemble ce moment-là.